
Carte d’Identité

Auteur : Loïc Lamy
Illustrateur : Loic Vaiarello
Éditeur : Oka Luda Éditions
Distributeur : Gigamic
Thématique ★★★★☆
Esthétique ★★★★★
Complexité ★★★★☆
Réflexion ★★★☆☆
Interactions ★★★★★
Rejouabilité ★★★★☆
Une description rapide
Incarnez une tribu de Sapiens ou Néandertal, et tentez de survivre au mieux, notamment devant les forces de la nature, en laissant une trace dans l’Histoire.
AURIGNAC est un jeu asymétrique proposant aux joueurs d’incarner trois rôles différents aux objectifs singuliers :
– Les Sapiens doivent créer 3 œuvres différentes pour remporter la partie.
– Les Néandertal doivent réaliser 7 fondations de tribu pour remporter la partie.
– Mère Nature doit empêcher les Tribus d’atteindre leurs objectifs.
Une partie dure 10 saisons maximum, chacune se composant de trois étapes :
° Les Choix de Mère-Nature. Le joueur incarnant Mère Nature pioche deux cartes Saison correspondant à la saison en cours. Il en conserve une afin que toutes les tribus appliquent son effet. Puis, selon la carte choisie, Mère-Nature égraine un nombre de ressources du type représenté sur la carte, sur les cases Territoire du plateau de jeu. Enfin, elle pioche un certain nombre de cartes Action.
° En Cours de Saison. Les Tribus jouent alternativement une Action ou passent leur tour. Les actions des tribus sont les suivantes :
+ Les Sapiens jouent une carte de leur main (cinq cartes en main en début de saison) et en appliquent son effet. Ils peuvent ensuite, soit acheter une carte amélioration de la rivière (contre des ressources) qui rejoint ainsi leur défausse (pour faire partie de leur main par la suite), soit progresser d’une étape sur une œuvre (en payant de la nourriture). Les cartes permettent principalement de déplacer leur pion Tribu sur le plateau principal, de récupérer des ressources, de chasser, d’attaquer une autre tribu, de piocher des cartes supplémentaires ou de peindre.
+ Les Néandertal positionnent un membre de leur tribu sur une case action de leur plateau pour réaliser l’action correspondante. Il est ainsi possible de déplacer son pion Tribu sur le plateau principal, collecter des ressources, fabriquer des objets, chasser, ou attaquer une autre tribu. Les ressources et les objets, soit collectés, soit fabriqués, soit récupérés lors d’une chasse ou d’une attaque servent à Fonder une tribu, dernière case d’action disponible. Il faut pour cela défausser les pré-requis figurant sur les tuiles Fondation afin d’obtenir un bonus d’action permanent.
Mère-Nature ne possède pas de tour de jeu à proprement parler. Elle peut jouer des cartes Action en début de saison, en réaction à une action adverse, ou à la fin d’un tour d’un joueur. Les cartes jouées sont disposées sur l’un des trois emplacements de son plateau personnel et possèdent des symboles. Selon l’alignement de trois symboles visibles (identiques ou différents), Mère-Nature inflige des blessures aux tribus, leur vole des ressources ou pioche une carte action supplémentaire. Au bout d’un certain nombre de blessures, les Sapiens perdent des membres et donc des possibilités d’action alors que les Néandertal récupèrent des cartes Famine, pénalisant fortement leur pioche de cartes.
° Fin de Saison. Lorsque toutes les tribus ont passé leur tour, une phase administrative a lieu pour recommencer une nouvelle saison. Les Sapiens piochent cinq cartes de leur pioche. Si celle-ci est vide, il mélange les cartes défaussées pour reconstituer une nouvelle pioche. Les Néandertal récupèrent les membres de leur tribu.
La partie prend fin immédiatement si un joueur est parvenu à remplir son objectif selon la tribu qu’il incarne. Il remporte ainsi la partie. Si, au bout de 10 saisons, aucun joueur n’est arrivé à ses fins, Mère-Nature remporte la partie.



Oui ou Non

- Un matériel de qualité, entièrement conçu conformément aux normes écologiques les plus strictes
- Une direction artistique très agréable
- Un thème efficace et très bien concrétisé mécaniquement
- Des mécaniques asymétriques classiques, organisées de manière à rentre le titre original et singulier
- L’explication historique et culturelle de la thématique présente dans le livret de règles
- Des intéractions fortes et frontales
- Un jeu aux règles accessibles mais qui réclame exigences et profondeur
- Des parties variées selon le nombre de joueurs et les rôles incarnés

- Absence d’aide de jeu pour chaque rôle incarné
- Une règle de jeu confuse et une première partie, de ce fait, qui traîne en longueur
- Des rôles moins palpitants que d’autres selon le profil des joueurs



En Résumé
Il y a des jeux dont on entend très peu parler, et qui arrivent à nos oreilles sans trop savoir comment… Depuis sa sortie, AURIGNAC sort un peu de son silence, de par son originalité mais aussi et surtout parce qu’il se murmure, par ici et là, que c’est l’excellente surprise de cette fin d’année !
C’est donc avec une certaine discrétion, mais une grande assurance que le jeu fait son bout de chemin. Une fois en main, on comprend aisément pourquoi ! Déjà, un effort tout particulier a été apporté tant sur le plan écologique qu’historique. En effet, l’ensemble du matériel est conçu de manière à respecter des normes écologiques strictes. De plus, les deux premières pages du livret de règles s’attardent sur le contexte historique de la thématique et reviennent sur les caractéristiques des Tribus qu’incarneront les joueurs.
L’ensemble des éléments mécaniques du titre évoque avec précision et justesse une thématique omniprésente.
D’ailleurs, l’ensemble des éléments mécaniques du titre évoque avec précision et justesse une thématique omniprésente. C’est un des plus gros points forts d’AURIGNAC. En effet, n’importe quelle action ou effet de jeu s’appuie sur des justifications historiques concrètes et parlantes, ce qui simplifie grandement l’expérience, pouvant apparaître un peu floue après une première lecture de règles. Effectivement, le livret s’avère quelque peu désordonné et des informations importantes se retrouvent noyées dans une mise en page difficilement lisible. De ce fait, la première partie se fait le nez dans les règles du jeu, et devient alors relativement interminable et frustrante.
Pourtant, rien n’est, en définitif, très complexe. Les tours de jeu sont relativement dynamiques et les actions réalisées par les deux Tribus et Mère Nature restent accessibles, même si le jeu se range clairement dans la catégorie Initiée. Les raisons de cette classification sont à chercher du côté de l’asymétrie. En effet, AURIGNAC propose trois façons de participer différentes, avec trois mécaniques éloignées. Les joueurs, selon le rôle qu’ils incarnent, devront apprendre à maîtriser un système de jeu singulier. C’est dans ces différentes façons de s’exprimer que le titre trouve sa complexité, mais aussi sa richesse et son originalité. Ainsi, les Néandertal feront de la pose d’ouvriers pour tenter de fonder sept tribus alors que les Sapiens auront pour objectif de peindre trois œuvres en s’appuyant sur un « deckbuilding ». Mère Nature aura comme simple mission de pourrir l’existence des deux tribus précédemment citées afin qu’elles ne parviennent pas à leur fin. Ces trois mécaniques, classiques sur le papier, s’associent de belle manière, de telle façon à donner une très grande cohérence au titre. Mais, qui dit trois façons de jouer, dit trois explications de règles et une mise en place plus longue que pour d’autres titres du même calibre, ce qui rend l’expérience moins accessible que les mécaniques, prise indépendamment, pouvaient le laisser penser.
Ces trois mécaniques, classiques sur le papier, s’associent de belle manière, de telle façon à donner une très grande cohérence au titre.
Si l’asymétrie est une véritable réussite, elle provoque aussi quelques frustrations. Il est vrai que jouer Mère Nature sera moins passionnant que de développer sa tribu. Certes, incarner les méchants peut s’avérer être un moment amusant, rempli de cruauté jouissive, mais en règle générale, l’impression d’être spectateur de la partie se fait franchement sentir. L’avantage de cette frustration est la volonté qui en découle de vouloir expérimenté tous les rôles et dans différentes configurations. Sur ce plan, AURIGNAC impressionne par la qualité de ce qu’il propose quel que soit le nombre de joueurs. Les parties sont, en effet, très variées selon les rôles incarnés.
Aussi, les interactions directes, voire souvent frontales peuvent s’avérer d’une injustice sans nom. Oui, AURIGNAC ne se déroule pas dans le monde des Bisounours, et le rôle de Mère Nature est véritablement d’en faire baver aux autres. Le jeu peut, en ce sens, apparaître très clivant. Les joueurs ne contrôlent pas tout alors même qu’ils sont dans un pur exercice de gestion, rigoureux et tendu. Ce paradoxe produit autant de désillusions qu’il donne un charme ludique fou au titre.
AURIGNAC est effectivement une belle surprise. Son asymétrie, parfaitement maîtrisée, met en jeu des mécaniques communes, s’imbriquant avec force et parfaitement reliée à un thème convaincant et omniprésent. Le jeu parvient à associer accessibilité et profondeur avec une grande réussite. La direction artistique accompagne avec élégance un titre qui ne manque ni de finesse, ni d’originalité, même si tout n’est pas parfait… Et heureusement, sinon, on s’ennuierait !
Au Final
Inspirant ! ★★★★☆
Une asymétrie maitrisée pour un titre convainquant thématiquement !
